"Première musicologue professionnelle de la Province
Nous apprenions samedi dernier le décès, à l’âge plus que respectable de 99 ans, d’Andrée Desautels, une pionnière de la musicologie historique au Québec. Elle est en effet la première musicologue professionnelle de la province et serait même la première francophone en ce domaine au Canada. Élève à Montréal notamment de Claude Champagne (écriture, composition), elle s’inscrit après la Seconde Guerre mondiale au Conservatoire de Paris où elle poursuit sa formation auprès de Norbert Dufourcq, de Marcel Beaufils et d’Alexis Roland-Manuel. On lui décerne deux premier prix (histoire de la musique et esthétique). En France, elle assiste en outre aux fameux cours d’analyse musicale de Nadia Boulanger et s’initie aux Ondes Martenot auprès de son inventeur, Maurice Martenot. On lui doit quelques compositions, dont l’une pour cet instrument qu’elle a contribué à faire connaître au Québec.
À son retour d’Europe, elle est nommée professeure au Conservatoire de Montréal en 1949 et y enseigne l’histoire de la musique puis la musicologie jusqu’en 1988. Elle a également enseigné à l’École Vincent-d’Indy et à l’Université de Montréal. Très active au sein des Jeunesses musicales du Canada, elle sera, pendant cinq ans, la rédactrice en chef du Journal des JMC (devenu en 1954 le Journal musical canadien). Lors de l’Exposition universelle de Montréal en 1967, on lui confie la conception et la programmation du pavillon « L’Homme et la musique », ce qui lui vaut des éloges. Tout au long de sa carrière, elle anime ou commente de nombreux concerts, notamment à Orford Musique (anciennement Centre d’arts Orford), et transmet ses vastes connaissances musicales dans le cadre d’émissions à la radio de Radio-Canada, dont « Musiques nouvelles d’autrefois » (1958), ainsi que dans plusieurs journaux, au Canada et en Europe. On lui doit quelques textes qui font date dans l’historiographie musicale canadienne, dont « Histoire de la composition musicale au Canada », paru dans Aspects de la musique au Canada, ouvrage collectif dont la version française est dirigée par Arnold Walter, Gilles Potvin et Maryvonne Kendergi (1970). Desautels a rédigé les notices consacrées à Claude Champagne dans le coffret que lui consacre l’Anthologie de la musique au Canada (ACM 30, 1988) et a collaboré à l’Encyclopédie de la musique au Canada et à l’Encyclopédie Universalis.
Fille de la mezzo-soprano Cédia Brault (1894-1972), interprète respecté de mélodies françaises, Andrée Desautels au tournant de 2001 évoque à Montréal, Sherbrooke et Québec la carrière de sa mère dans une communication intitulée « Les avant-gardistes de la musique française durant l’Entre-deux-Guerres », offerte dans le cadre de la série de conférences « Présences de la musique » de la SQRM, que j’ai eu le plaisir de diriger pendant plusieurs années. Elle a fait don de ses archives, incluant tout ce qui concerne le pavillon « L’Homme et la musique », à l’Université de Sherbrooke qui lui a octroyé un doctorat honorifique en juillet 1999. Elle s’est méritée plusieurs autres distinctions, dont la Médaille de l’Assemblée nationale (1988). Enfin, son action témoigne de la forte contribution des femmes à la musicologie québécoise. Je tiens à exprimer mon respect à sa famille et à ses proches.
Jean Boivin
Professeur titulaire de musicologie à l’Université de Sherbrooke, maintenant professeur associé à cette institution, et rédacteur en chef sortant des Cahiers de la SQRM